L'Obésité, Mal Planétaire

   « Selon un préjugé répandu, et entretenu par l’industrie agroalimentaire, les personnes obèses, incapables de contrôler leurs désirs, seraient responsables de leur condition. »
   Dans le Monde Diplomatique du mois de Septembre 2012* peut être lu un article fort instructif sur quelques mécanismes clés du phénomène d'obésité dans le monde.

   Bien sûr, le Diplo ne s'est pas transformé en revue féminine axée sur les conseils diététiques bon marché, et l'enquête présentée de Benoît Bréville** ne vise pas à décrire l'économie du XXL en soi avec son offre sur mesure pour obèse ou son marché pour faire maigrir ces derniers, tous deux très juteux, mais se penche sur les stratégies qui poussent à l'obésité. Car celles-ci, comme décrites par l'auteur, sont consubstantielles aux structures sociétales et économiques, elles sont à la foi une externalité négative et un moteur de fonctionnement de ce que notre mode de vie peut nous offrir, surtout dans les sociétés développées..
   « Toutes ces inventions ont diminué la quantité de calories que nous brûlons sans y penser. En jetant nos vêtements dans une machine plutôt qu'en les lavant à la main, nous économisons par exemple 45 calories »
   En premier lieu sera dénoncé le développement technologique qui rend notre vie tellement plus facile, voire trop tant nous sommes plus libre d'efforts jugés pénibles mais qui en contre partie nous économise une dépense énergétique favorisant la prise de poids. Car le paradoxe que pointe l'enquêteur est le suivant: le temps libéré sur le travail et les charges n'est pas investit dans des activités physiques de loisirs compensatrices, mais va être confisqué par des activités chronophages peu demandantes du point de vue de la dispense du nombre de calorie (la TV et la voiture entre autres).
   Cela bien sûr ne touche pas toutes les catégories de population, mais comme par hasard, dans la société américaine de manière la plus probante, les plus populaires, celles dont le revenu moyen se trouve dans les quartiles du bas. L'auteur montre que ces populations sont doublement victimes en tant que consommateur de technologie favorisant la "fainéantise" et en tant que cible privilégiée d'un mode de consommation de denrée dont le mode de production est extrêmement bon marché mais dont le bilan calorique est dramatique pour le métabolisme.
   « En d'autres termes, 1$ de chips remplissent plus l'estomac que 1$ de carottes »
   Aussi l'auteur dénonce les stratégies mercatique de l'industrie alimentaire qui poussent à une surconsommation de ces biens qui, associée à de moindre activités physiques, provoquent du surpoids: une sur-exposition publicitaire dès le plus jeune âge par tous les médias et des politiques de prix ciblées pour les foyers à moindre revenu, le tout doublé par un penchant naturel psychologique des humains à ingurgiter plus qu'ils n'en ont besoin, mettent en danger toute une population dans nos sociétés dites développées. Car l'obésité devient, aux E-U, la deuxième cause de "décès évitables" après le tabac...
   L'auteur montre ainsi comment dans nos mondes riches l'obésité devient synonyme de paupérisation des classes moyennes, et le lecteur pourra faire le rapprochement avec toutes les stratégies satellites d'urbanisation et salariales qui enferment toujours davantage ces classes sociales dans une spirale pondérale vicieuse.
   « [...] aucune loi ne peut interdire à un enfant de devenir "ami" sur Facebook avec Ronald McDonald, de passer des heures sur Honeydefender.com à "libérer" le miel des céréales Cheerios ou sur McWorld.com à dessiner avec l'omniprésent Bob l'éponge »
  Dans la dernière partie de l'article, Benoît Bréville souligne, exemples et arguments à l’appui, le fait que dans les pays dits en développement, c'est la réussite sociale qui favorise la prise de poids, car cette dernière devient, en quelque sorte, un signe extérieur de richesse, de réussite pour les parvenus des classes moyennes.

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   En soi, si l'article ne développe pas de nouvelle théorie du phénomène, je pense qu'il en réfute bien une qui ferait de l'obèse la victime de ses propres choix en démontrant l'existence de facteurs structurels qui font de l'obèse la victime d'un système inégal qui s’appuie sur l'exploitation d'une classe fragilisée.
   Personnellement, je pense bien qu'il y a toujours une part de responsabilité individuelle des agents quant aux choix qu'ils opèrent, mais je pense également que les caractéristiques holistiques actuelles emprisonnent ces mêmes agents devenus obèses en réduisant leur champs de choix rationnels et en les dépossédant par là même d'une certaine capacité à agir autrement.

   Cet article vient en complément à mon sens du très démonstratif film documentaire de Morgan Spurlock, Supersize Me.



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** Obésité, mal planétaire; voir extrait sur le site du journal


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