la Peur Géante

   "L'année 2157 vit la plus grande catastrophe affectant l'humanité depuis les temps bibliques. L'attaque, car c'en était une, commença de façon insidieuse par quelques pannes de réfrigérateurs." (p7)

   Stefan Wul, de son vrai nom Pierre Pairault (1922-2003) est un chirurgien-dentiste et un écrivain de science-fiction français qui publiera onze romans entre 1956 et 1959 (son dernier roman, Noô, est publié en 1977). Après cette période, il publiera une dizaine de nouvelles et quelques recueils de poésies. Son plus grand succès reste le roman post-apocalyptique Niourk. D'ailleurs, de lui, je n'avais lu que cet ouvrage.
   Avec la Peur Géante, on est moins dans le roman d'apprentissage et davantage dans le catastrophisme et la guerre totale, dans un style qui nous rapproche, un demi-siècle plus tôt, de R.Emmerich et de son Independence Day, 2012 ou the Day After Tomorow.
   En 2157, Bruno Daix habite In Salah, deuxième ville de l'Afrance, ville hyper-moderne situé en plein cœur du Sahara; il est ancien champion de polyparcours, une épreuve de natation, et actuellement ingénieur aux usines de froid "Nivôse". Alors qu'il s'apprête à partir en vacances, son directeur Driss Bouirale le rattrape pour lui faire part d'ennuis technique : plus aucune machine réfrigérée ne parvient à faire geler de l'eau, même en descendant aux environs du zéro absolu. Bruno est envoyé sur Paris, afin d'épauler les scientifiques. Sur son trajet, le cataclysme se déroule : les glaces des pôles ont disparu, et c'est un double raz-de-marée qui submerge la plupart des terres émergées du globe. Monté dans un hélitaxi, il échappe de peu à la catastrophe planétaire et retourne sur In Salah, qui, suffisamment à l'intérieur des terres, aura survécue au désastre.
   La deuxième catastrophe est plus insidieuse, mais non moins sans conséquence : l’eau ne s'évapore plus. Avec la disparition des nuages, l'Humanité va bientôt être condamnée par la cessassions du cycle de l'eau à périr de la sécheresse. C'est quelques temps après l’apparition de ce phénomène que des ovni vont être massivement observés un peu partout dans le monde. Une attaque subite, massive et destructrice s'abat sur les villes restantes.
   Entre temps, une armée secrète aura eut le temps de se constituer en Afrance, et Bruno en fait parti. Abrités dans des souterrains, les membres de cette organisation ont découvert la véritable identité de leur adversaire : loin de venir du fin fond du cosmos, ils viennent des profondeurs des océans; dénommés Torpèdes, ils s'apparentent à des torpilles électriques évoluées.
   L'avantage technologique des créatures marines poussent les humains à devoir aller combattre leur ennemis dans les mers grâce à quelques combinaisons sous-marines et à employer l'arme bactériologique. Ayant également percé le mystère du langage à influx magnétiques des Torpèdes, les humains partent détruire la menace abyssale avec un virus.
Perdu dans les profondeurs des océans, Bruno atteint ce qui s'apparente à une ville, et, pénétrant dans un bâtiment, il visite malgré lui un zoo humain. Affecté par les influx magnétiques, il parvient tout de même à refaire surface mais son état est jugé critique, proche de la démence.
   Après cette victoire humaine sur l'envahisseur des mers, en convalescence dans un hôpital, Bruno voit par la fenêtre tomber la neige.
   L'année où il publie son ouvrage, la France a déjà perdu l'Indochine, la Tunisie s'est déjà vu attribuer un mode fonctionnement autonome et le FLN a engagé ses actions d'insurrection vers l'indépendance. Pourtant, l'auteur place la trame de l'histoire dans un cadre qui semble s'opposer aux mouvements enclenchés : l'Afrance (Algérie-France ?), avec des Blancs qui chaperonnent les autres peuples : uchronie ou vision politique, difficile de répondre. Il est pourtant difficile d'ignorer la relation amicale et pourtant inégale entre Bruno avec son "anatomie de géant blond" et son ami journaliste noir Pol à qui il va être donné 30s de handicap au polyparcours, et qui va être maintenu dans l'ignorance pendant que les savants et l'armée  préparent la riposte contre les Torpède.
"Tu m'as eu , cochon de négro, ricana Bruno.
 - Mais de peu, avoua Pol avec admiration. Tu es resté un champion, pas de doute!" (p13)
   no comment, n'est-ce-pas ? :)

   Mais le vrai danger est-il l'inégalité des peuples ou la menace Torpède ? Il semblerait que, similairement à dans Niourk, ce soit la léthargie que procurent l'abondance et le confort technique qui dessine lentement le déclin de l'humanité. L'irruption du danger, l'apparition d'une compétition technologique et le déclenchement d'une guerre son les remèdes qui permettent d'enrayer un mouvement qui tend vers l’apathie de la civilisation. Le conflit, la confrontation, le choc comme sursaut civilisationel, tout un programme pour les nouveaux Huntington du Pentagone.
   "Les guerres font toujours faire des progrès." (p91)
   "L'Afrancais moyen ne travaille que trois heures par jours et cinq jours par semaine. Si l'automatisation et la photosynthèse alimentaire étaient poussées à fond, chaque citoyen n'aurait plus à travailler que deux heures par mois ! [...] Imaginez les dangers terribles courus par notre civilisation. Outre le fait qu'un homme n'exerçant son métier que deux heures par mois deviendrait rapidement inhabile, faute d'entraînement, les loisirs forcés se transformeraient rapidement en supplice générateur de paresse [...]" (p93)
   Dans l'ensemble, partant d'une idée intéressante (l'eau ne peut se changer dans un autre état que liquide, et ce quelque soit la température) la lecture reste assez plate et parsemée de nombreux clichés ou propos patoches, et ce qui aurait pu être l'histoire d'une adaptation à un nouvel environnement tourne au conflit à mort machiste.
"On pourrait peut-être s'arranger avec ces Torpèdes ! À eux la mer, à nous la terre ferme ! Collaboration féconde ! J'envisage...
 - Ils en ont décidé autrement ! Ils ont pris l'initiative des hostilités [...] Il ne peut pas y avoir de paix entre les deux races. C'est eux ou nous." (p93)
   En conclusion, l'ennemi est hideux, technologiquement avancé, et sans pitié, et oui, la fin du monde était proche, mais heureusement les humains savent rendre les coups encore plus fort !




la Peur Géante, Stefan Wul
Anticipation
Ed. Denoel 545 Présence du futur
ISBN 2-207-24715-X
première publication : Ed. Fleuve Noir Coll. Anticipation n° 96, 195

Commentaires

  1. Pas son meilleur quoi. Je lirai sans doute un jour quand même, c'est Stefan wul :p Tu as lu Nôo de lui ? J'avais vraiment bien aimé.

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  2. et bien, en comparaison avec Niourk, on sent quand même la différence, mais est-ce le cadre de l'action ou la définition des protagonistes ? ... je n'ai pas lu Noô non plus, xcet ouvrage semble être encore différent de Niourk et de la Peur Géante.

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  3. Je l'ai lu il y a des années (au sens propre du terme, c'était en 1998). Je dois dire que je n'avais pas fait attention à certains relents, à l'époque. Pour moi, l'Afrance signifie plutôt "Afrique + France". A l'époque, n'oublions pas que l'on parlait de l'Union française pour désigner la métropole plus les colonies (du moins, celles qui restaient encore dans l'escarcelle du pays).
    J'en garde quand même le souvenir d'un truc quelque peu manichéen.

    Pour Noô, j'en avais fait la chronique sur mon blog...

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  4. mon réfrigérateur est tombé en panne... je m'inquiète !!!
    toujours pas lu Nôo dans ma PàL

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  5. Bonjour

    J'ai apprécié énormément les romans de Stephan Wul qui a longtemps été le meilleur auteur de SF Français (a une époque ou la SF française c'était uniquement chez Fleuve Noir).

    Le meilleur en terme de créativité imaginaire car chez Fleuve Noir à l'époque la SF c'était plutôt du western spatial que de la réflexion sur des futurs possibles.

    Stephan Wul a eu l'honneur d'être adapté deux fois au cinéma avec des films d'animation. Par Topor pour "Oms en série" (ce film avait pas mal fait parlé de lui à l'époque)et MOebius pour le roman "l'orphelin de Perdide" qui a été rebaptisé "les maîtres du temps" au cinéma Je me rappelle avoir lu une version BD du film de MOebius dans "Métal Hurlant".

    J'ai lu 7 ou 8 romans de cet auteur et j'en garde un bon souvenir.

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  6. Salut, tu as donc presque lu entièrement cet auteur, qui je le reconnais à ce roman et Niourk, ou certaine imagination. Son adresse pour la pirouette en fin d'histoire est aussi intéressante à souligner.

    J'aimerais bien visionner également ces deux films. à l occasion...

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