Souvenirs à Vendre

  " Ce que nous vous proposons est donc la seule manière de réaliser... hum, le rêve de votre vie. Est ce que je me trompe? Non, vous ne pouvez ni être agent secret, ni vous rendre de vrai sur Mars. Mais vous pouvez l'avoir été et y être allé. "
   Une nouvelle de SF* dans le pur style Dickien dans le sens où, très succinctement, elle nous propose un cas de figure particulier voire atypique, une situation délicate engendrée par un décalage, un hic par rapport à un scénario théorique fictionnel, entre ce qui est et devrait être ou était attendu.

   Dans cette aventure de quelques pages, mondialement connue grâce aux versions portées par deux fois à l'écran sous le titre Total Recall, Philip K.Dick explore un scénario d’imbroglio dans lequel un individu  devient le support d'un jeu d'écriture et réécriture de sa mémoire.
  
   L'élément SF ici, autre le fait qu'aller sur Mars est possible, est donc la capacité à implanter des souvenirs dans la tête des gens, et d'en faire un business. L'auteur nous propose donc une variation sur le thème de la perte de l'assurance de sa propre personnalité par la manipulation des souvenirs, dans ce cas au travers de ré-écritures successives. L'aspect technique ou ses détails importent peu chez K.Dick, l'attention est davantage sur sur les modalités et le jeu autour des modalité. De là, les scénarios peuvent tourner de la simple farce à la pure paranoïa. Avec cet auteur, le lecteur navigue toujours un peu entre les deux.
    De même qu'avec the Minority Report, l'ouvrage contient l'essence de la problématique, les films doivent leur raison d'être ou simple survie en allant plus loin. Faire deux films sur la base d'une trentaine de page de récit, c'est que la matière brute donne à fantasmer, mais le texte reste limité. Car en effet, les nouvelles de K.Dick parfois semblent relever davantage du brouillon. Là où certaines nouvelles peuvent se suffire en elle-même car capable de contenir leur propre univers, celles de l'auteur semblent souvent incomplètes, empruntant parfois d'un univers commun dont certains attributs et avatars se retrouveraient épars, ici et là.
Cover: Jack Gaughan
   Tentative de résumé.
   Douglas Quail, un minable petit salarié, rêve de voir Mars. Il sait cela impossible et donc au lieu de gonfler sa femme à lui répéter sa lubie quotidiennement il choisit d'aller prendre l'alternative proposée par la société Mémoire qui consiste en des implants de souvenirs.
   L'argumentaire commercial qui suit l'accueil dans les bureaux par une hôtesse avec les nichons colorés à l'air finit par convaincre Douglas de se payer ce qu'il ne peut que s'offrir.
   Mais l'opération qui relève normalement de la routine semble être entravé par l'existence préalable de souvenirs inculqués qui semblent masquer ce que justement Douglas cherche à avoir, des souvenir de missions sur Mars en tant qu'agent secret.
   Plutôt inquiété par leur découverte, le personnel de Mémoire S.A préfère laisser partir Douglas avec ses souvenirs recouverts et la moitié du payement en remboursement en espérant éviter plus d'ennuis.
   Malheureusement, cette réminiscence ne va pas sans rappeler d'autres problèmes liés à un passé que plusieurs entités humaines et non-humaines cherchaient à lui faire oublier...
   La question de l'identité, des troubles de perceptions de l'identité sont un des ces idées et concepts récurrents dans l’œuvre de K.Dick; il ne s'agit pas de problématique mettant en scène un psychopathe sillonnant les rues en quête de potentielle prochaine victimes, mais d'instiller le doute sur ce que l'individu est, n#est pas, pourrait devenir ou pourrait avoir être. La nature des être est elle seule définie par leur aspect physique ou bien par leur caractère psychologique ? Suffit il de croire ce que l'on pense pour pour que cette pensée soit réellement notre?

   Dans Souvenirs à Vendre, le jeu d'effet conspirationniste et de mémoire multiples tourne quelque part à la dérision dans la chute de la nouvelle. Car parfois, et c'est ainsi chez K.Dick, il y a du raccourci, de la simplification, de la superficialité. Peut-être trop d'idées que l'auteur a peine à mettre en scène succinctement?



* "We Can Remember It for You Wholesale" in Fantasy and Science Fiction, April 1966

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