Japoneries d'Automne

   «Un de mes étonnements, dans cette ville, est de rencontrer un immense temple en construction. Il n'était pas de première nécessité, puisqu'il y en avait déjà trois mille.» (p47)
   De Loti, c'est le titre du livre "Pêcheur d'Islande" qui me vient en premier à la tête, non pas pour l'avoir lu, mais plutôt comme repère associatif auteur-livre, de la même facon que j'associerais Hemingway à "Pour qui sonne le glas" ou Sartre à "l'Être et le Néant". C'est à dire, genre de chose qu'il vaut mieux savoir pour ne pas avoir l'air trop inculte, mais qu'il ne me semble  pas nécessaire d'avoir lu.

   Officier de la Marine Française, il parcouru, on pourrait dire, les sept mers et alla aux quatre coins du monde. Et l'un de ces coins fut le Japon, où il stationna près d'un an en 1885. De cette escale est tiré cet ouvrage, comme un recueil de lettres écrites lors de voyages fait entre deux appareillages peut-être plus ennuyeux. Ces courriers sont adressés à diverses connaissances, dont certaines portent des noms plus connus (E.Goncourt, Mme A.Daudet, S.A la princesse L.Murat...)

   L'intérêt de ce livre me semble-t'il est d'offrir au lecteur un témoignage au caractère touristique du Japon de la fin du 19ième siècle, au début de l'ère que l'on nommera ensuite Meiji durant laquelle s’amorçât la fulgurante occidentalisation et modernisation de la légendaire Cipango. Une marche forcée pour la classe dominante et militaire qui parfois sous la plume de Loti tourne au méchant carnaval. Alors que le Japon était au point de bascule vers l'industrialisation la modernité importée, les puissances occidentales pavanaient encore car elles dominaient l'Asie continentale qu'elles s'étaient partagées tel un gros gâteau. Afin d'éviter le même sort, le Japon devait encore tirer son épingle du jeu, de justesse. Dans ce contexte, un romantique Français visite le vieux et le nouveau Japon en train et en pousse-pousse, achète babioles et  ornements de temples, admire la splendeur du pays dans ses reliques et monuments, assiste au bal de la noblesse ou participe à la fête des chrysanthèmes...

   Cette compilation fut publiée originalement en 1889, après sont retour et après avoir publié l'incontournable "Pêcheur d'Islande" et le un peu moins connu "Madame Chrysanthème" inspiré de la jeune Japonaise à la quelle il fut contractuellement marié durant son séjour.

   À la lecture, il semble que Loti appartenait certainement à cette classe de gens qui avaient leurs quelques entrées dans certains cercles dominants. Officier gradé d'un corps armé dans une nation qui cherchait à accélérer la construction de sa puissance, il avait du temps et des moyens. Je gage que les matelots du navire qu'il commandait ne dépassèrent, par moyen ou par culture, les bordels qui peuplent les alentours de zones portuaires. Je parais méchant, mais mon petit doigt me dit qu'il y a un fond de vrai dans cette intuition, aussi cela va tant l'intérêt du capitaine qui ne voudrait voir son équipage se disperser à droite à gauche avec le risque de ne jamais revenir.

   Loti donc, qui a les moyens et la curiosité culturelle pour lui, voyage dans le Japon proto-moderne et le lecteur peut le suivre en divers lieux que parfois il reconnaitra pour pouvoir y avoir été lui même: Kyoto, Nara, Kamakura, Edo, Nikko... Aujourd'hui encore des destinations de prédilection pour les les touristes modernes, qu'ils soient autochtones ou étrangers.

   Je pense qu'il y a deux aspects d'intérêt dans cet ouvrage: le coup d’œil d'époque sur ce pays 'nouveau' et le style littéraire de l'auteur. Et n'ayant rien lu d’autre de cet auteur je ne saurais dire si la forme et le style lui sont usuel ou pas, néanmoins ma lecture fut marqué par une certaine crudité des commentaires que Loti peut faire sur les choses et les gens qu'il rencontre. Occidental Blanc moderne dans un pays d'Orientaux Jaunes traditionnels, parfois la lecture donne l'impression d'une visite au zoo ethnographique, on n’atteint heureusement pas la belgitude tintinesque qu'Hergé a pu déployer dans les frasques de son personnage fétiche au Congo, mais on sent une certaine condescendance dans le regard et l'appréciation des choses. Certains jugements dans la pratique sont parfois éclairés de justesse, parfois de naïveté, et d'autres fois singulièrement borderline. L'impression qui est donné transpire la sensibilité de l'auteur dans ce qu'il découvre; il n'y a pas d'analyse, pas de distance, on est en plein impressionnisme, qu'importe si cela peut ne pas paraître politiquement correct.
   Loin de toute approche rationaliste, à volonté objective et mesurée, c'est un jugement esthétique que Loti propose au lecteur. A-t'il tort, a-t'il raison ? Qu'importe, ses lettres nous plongent au cœur de son expérience sensible et sentimentale.


   Extraits



Japoneries d'Automne, Pierre Loti de l'Académie Française



Japon et Culture
45ième Ed. Calmann-Levy, France



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Commentaires

  1. Je n'ai pas lu le pecheur d'islande mais j'ai lu Madame Chrysantheme et Madame Prune il y a plusieurs années. Ils ne m'ont pas laissé un souvenir impérissable, du coup je comptais les relire pour m'en rappeler.

    As tu lu "l'honnorable partie de campagne" de Thomas Raucat ? il vaut sacrément le détour.

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  2. je ne peux malheureusement pas faire de comparaisons entre cet ouvrage et le "Madame Chrysantème" n'ayant pas lu le second. Je ne pourrais donc dire dans quelle mesure les textes pourraient se ressembler. Si tu le relis, fais donc un billet que je m'enquière de son contenu :)


    "l'honnorable partie de campagne" de Thomas Raucat
    je ne connais n le titre ni l'auteur, et je viens de lire le descriptif sur Babelio et Wikipedia pour l'oeuvre et l'auteur.
    Si je mets la main sur l'ouvrage, je le lirai bien !

    merci pour l'indication

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