le Monde Englouti

   Kerans leva les yeux sur ces vieilles têtes impassibles et comprit la peur bizarre qu'elles suscitaient: elles évoquaient les scènes terrifiantes des jungles des premiers temps du paléogène, à l'époque où l’apparition des mammifères domina le règne des reptiles, et il ressentit cette haine implacable qu'éprouvent les représentants d'une espèce biologique envers ceux d'une autre qui leu a usurpé la place.
   Roman de SF post-apocalyptique écrit par J.G Ballard au début des années 60. L'auteur est connu pour la biographie de sa prime jeunesse portée à l'écran par S. Spielberg dans le film Empire of the Sun et pour avoir publié entre autres la série des Quatre catastrophes* ayant pour scène commune la planète terre dévastée par une catastrophe écologique. Ici, l'évolution du Soleil a pris une course telle que la température du globe est tellement montée que le terres émergées se sont transformées en marécages et jungles immenses.
   Tentative de résumé.
   Quelque part dans le futur, sur Terre, la vie est devenue infernale. Avec un Soleil dilaté, l’augmentation de la température du globe a entrainé un cataclysme écologique, provoquant la fonte des glaciers, la débâcle violente des fleuves, l'accroissement des jungles, l'extension des marais et mangroves. Et alors que les villes s'enlisent dans les vases des marécages brûlants de soleil, les populations, toujours plus décimées par de nouvelles infections, émigrent toujours plus vers les pôles.
   Pourtant, à la frontière ténue entre l'eau et la forêt, à l'ornière du monde des sauriens renaissants, quelques hommes stationnent dans les villes envasées dont seuls les plus robustes tours osent encore se dresser sur la surface des lagunes. Militaires et scientifiques tentent de comprendre, de retenir vainement l'inéluctable, alors qu'ils peuvent être tous partagés entre le désir de partir, rester ou s'enfoncer davantage dans la jungle. Car le soleil tape sur les têtes et les esprits.
   Dans un huis clos aqueux, la solitude est préférable à la compagnie, car tout autre peut basculer dans la folie, car toute rencontre avec d'autres humains peut se transformer en danger. Ainsi, après le départ des militaires, lorsque les pirates arrivent, c'est une autre logique qui se met en place, c'est un cauchemar qui s'installe.
   Lorsque le monde n'est plus assez accueillant pour les humains, le genre humain cesse d'être.
   Quelque part entre Apolypse Now et Huis Clos, on ressent un malaise continue à la lecture de ce roman définitivement apocalyptique. L'auteur met en scène des personnages bigarrés dans une cocotte minute, qui après avoir longtemps sifflée finit par exploser. Même dans un espace ouvert, on peut ressentir cette suffocation claustrophobique qui accompagne l'occupation d'un lieu par des personnalités et situations oppressantes.
   Et lorsque le vide devient moins oppressant que la présence d'autrui, la fuite dans la jungle devient l'ultime refuge.

* avec Le Vent de nulle part, la Forêt de Cristal et Sécheresse

   Ce blogueur en parle aussi : Cachou



le Monde Englouti, J.G. Ballard
the Drowned World

Space-Opera
Ed. Denoël, France, 1964
ISBN 220730074



***
lire davantage de SF sur ce blog ? suivre le Libellé 'PSF'


Commentaires

  1. Je crois qu'il a été réédité dernièrement, non ?

    RépondreSupprimer
  2. sur Babelio je trouve la référence suivante

    > Michel Pagel (Traducteur)
    ISBN : 2070398412
    Éditeur : Gallimard (2011)

    et il existe une édition avec le texte de "Sécheresse"

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Salut ! Laissez moi donc un message, à défaut de me jeter des cacahouètes par dessus la grille... :P