la Problématique du Paperboy (2)

   Et le Paperboy continue de pédaler et de distribuer ses journaux. Arbitrer entre le coût d'une vente manquée et le coût d' un invendu détermine fortement la constitution de son inventaire. Plus la marge réalisée lors de la vente est forte, plus le Paperboy aura intérêt cherche à se prémunir contre une vente manquée.
   Mais l'équilibre est délicat: pas assez d'inventaire et une part de son revenu potentiel s'échappe, trop d'inventaire et sa profitabilité en pâtira. Une solution au problème consisterait à déterminer la demande en faisant de la prévision : de manière plus ou moins sûre, de prédire le quand et le combien de cette demande. Or dans les faits, cela ne se réalise pas; il existe toujours des variations, le Paperboy pédale dans un monde rempli d'incertitudes !

   Si notre Paperboy a suivi quelques cours de finance, il saura faire la différence entre incertitude et risque, et il tentera de mettre une probabilité sur cette incertitude afin d'arbitrer sur sa prise de risque. De même que d’une pièce lancée en l’air sera tirée sur pile ou face, il est incertain de prévoir a priori que le tirage donnera effectivement pile ou effectivement face:  la seule certitude est la probabilité que cela soit l’un ou l’autre càd 50%, ou 1 sur 2. La probabilité, la chance, le risque de tirer pile ou face est connue, mais l’issue effective du tirage n’est pas sûr a priori. Donc pour la demande, la gestion de l’incertitude est requise afin d’éviter d’avoir à lancer trop de pièce en l’air, et c’est sur ce besoin que se construira le pronostique de vente, car depuis longtemps, ne pas savoir n'est plus considéré être comme étant une option viable pour une entreprise; ainsi elles se sont ingéniées à développer leur programme de vente.

   Sans aller dans les détails, nous retiendrons que le pronostique (ou forecast) vise à donner à plus ou moins long terme une idée de volume futur: il peut intégrer des éléments structurels ou conjoncturels, implications des récurrences ou incidences. Dans le cas de notre Paperboy, il peut être spéculé, sur la base de l'historique, que les ventes sont fortes lorsque les gens ont le temps de lire en fin de semaine et lorsque les titres proposés par l’actualité sont plus attractifs que d'habitude. Ainsi le stock de journaux serait ajusté afin d'optimiser les surplus d’invendus ou de réduire les ventes manquées. Rien qu'en identifiant les tendances lourdes (hebdomadaire, mensuelle, jours fériés annuelles) notre Paperboy pourrait sauver plusieurs $ en évitant des pertes et en réalisant plus de ventes, ce sans influencer la demande, simplement en ajustant les inventaires.

   Pour concrétiser l'étude, en reprenant les données de la simulation précédente, supposons que la série (19;25;31;30;26;23;28) soit représentative d’une saisonnalité récurrente et que le Paperboy s’en inspire pour ajuster son programme d’achat. Au lieu de prendre uniformément 25 unités tous les jours (181 unités sur la semaine), le Paperboy pourrait en prendre moins le jour 1 et davantage les jours 3 et 4. Donc en prenant q = {19;25;28;28;25;25;25} au lieu de q = {25;25;25;25;25;25;25} on obtient 28.67$ - avec la même formule - soit un profit amélioré de 13%, et ce avec aucun changement dans la demande et le même coût d’achat. Simplement, l'étude de l'historique transformée en prévision a permis de mieux synchroniser la gestion de l’inventaire : avoir des références disponibles en quantité adéquate lorsque cela est nécessaire peut se relever être payant.

   La difficulté réside donc à appréhender la demande et à former un pronostique. Cette approche aura une incidence sur la constitution de l'inventaire car en fonction de sa qualité, le Paperboy prendra également plus ou moins de journaux avec lui: l’incertitude liée à la demande est un facteur sinon d'accroissement des inventaires au moins de fixation des niveaux d’inventaire. Dans d'autres environnements, la multiplication des facteurs d'influences de la demande accroitra cette complexité, comme par exemple des effets de saisonnalité, de prix, d'annonce, ou encore de stimulation si l'équipe des ventes emploie d'autres techniques, mais tout cela rendra d'autant plus incontournable la constitution d'un prévisionnel de vente et de l'évaluation de sa performance (si Météo France vous prédit 3 fois de suite qu'il va faire beau et qu'il tombe des grêlons à chaque fois, vous sortez constamment avec une parka, parapluie, et une crainte incessante que le ciel ne vous tombe sur la tête).

   Mais le prognostique reste toujours qu'une affaire de futur potentiel, voire de chat: tel celui de Schrödinger, la demande est à la fois existante et non-existante, ce n'est que lorsque la période est réalisée que l'on peut constater le volume effectif et le comparer au prognostique. Il se dégage généralement deux informations: le biais et la volatilité. Si le biais tend à montrer un décalage structurel entre la valeur attendue et effective, la volatilité tend à donner une indication sur la variation des erreurs, et se mesure avec un écart-type. C'est ce dernier qui va être pris en compte pour calculer la part de protection de l'inventaire contre la volatilité de la demande, car le biais devra faire l'objet d'une correction dans le signal, non dans la saisonnalité. La mesure de la qualité du pronostique devient donc un sujet de discussion pour le Paperboy lorsqu'il souhaitera opérer avec un niveau d'inventaire restreint tout en solvant complétement la demande.


   Cette mesure, cet écart-type, va ensuite être utiliser dans l'approche de la définition de niveau d'inventaire comme facteur qui servira à résoudre une certaine équation. Les autres éléments pondérateurs de cette même équation que le Paperboy devra prendre en compte pour continuer à optimiser son inventaire étant la variabilité du réapprovisionnement, la longueur de la chaine de réapprovisionnement et l'indicateur stratégique de couverture de la demande, aussi appelé Service Level.


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