Les premières estampes semblent arriver en Europe seulement vers 1856 aprés le coup de force du Commandant Pery, qui en 1853, contraint à coup de canons le Japon à «s'ouvrir». L'accueil par les artistes des pays du couchant des œuvres nouvelles parait favorables, parfois même les inspire; un des exemples les plus flagrant reste cette peinture de Van Gogh qui reprend fidèlement une estampe de Hiroshige. Cette introduction est présentée comme un moteur pour le développement de l'Art Nouveau.
Aujourd'hui l'ukiyo-e en tant que gravure sur bois fait partie des arts dits "caractéristiques" ou "emblématiques" du Japon à côté de la cérémonie du thé ou du kyūdō, et revêt une aura "noble". Pourtant, auparavant, cet art qui se développa à la faveur du temps de paix instauré par le shogunat des Tokugawa, était un art apprécié du simple peuple et tenu en peu d'estime par la noblesse.
Van Gogh Le Prunier en Fleurs 1887 | Hiroshige Pruneraie à Kameido 1857 |
La découverte et l'appréciation des estampes japonaises par les occidentaux semblent passer par des chemins variés: ainsi Pierre Loti qui résida au Japon entre juillet et décembre 1885 et qui semble, à lecture des ses correspondances*, dans ses voyages touristes au travers du pays avoir visiter plusieurs lieux emblématiques et avoir fait l'acquisition de divers objets/souvenirs ne fait aucune mention de ces estampes. De l'autre côté, Claude Levi-Strauss, qui ne met les pieds au Japon pour la première fois qu'en 1977, fait une rencontre esthétique très tôt avec ce pays par estampes interposées, qui lui furent, dans sa jeunesse, offertes en guise de gratification scolaire par son père, lui-même influencé par le mouvement des impressionnistes**.
"Japanische Farbholzschnitte", dont le titre en allemand peut simplement se traduire par estampes japonaises (le mot composé intègre le terme Holzschnitte qui fait référence à la xylographie, et le terme Farbe qui signifie couleur) est un petit ouvrage au format A5 qui s'ouvre par une courte introduction sur l'arrivée de l'ukiyo-e en Europe et se termine par un plus long explicatif sur cet art et son environnement. Entre les deux, 13 représentations de différents maîtres de la gravure sur bois, toutes accompagnées d'un petit poème dont je n'ai pas saisi l'origine. Semblable à une forme de haïku, il en est étrangement omis l'indication de provenance.
"Japanische Farbholzschnitte", dont le titre en allemand peut simplement se traduire par estampes japonaises (le mot composé intègre le terme Holzschnitte qui fait référence à la xylographie, et le terme Farbe qui signifie couleur) est un petit ouvrage au format A5 qui s'ouvre par une courte introduction sur l'arrivée de l'ukiyo-e en Europe et se termine par un plus long explicatif sur cet art et son environnement. Entre les deux, 13 représentations de différents maîtres de la gravure sur bois, toutes accompagnées d'un petit poème dont je n'ai pas saisi l'origine. Semblable à une forme de haïku, il en est étrangement omis l'indication de provenance.
Couple d'amoureux sous un prunier en fleur Torii Kiyohiro |
Paysage avec échassiers Ando Hiroshige Still und ruhig | fliegt der Königsfisher | zum Teich am Berghang. Silencieux et calme | vole le martin-pêcheur | vers l'étang sur le versant de la montagne |
la courtisane Nokaze avec une servante Suzuki Harunobu |
Shoki l'exorciste Okumura Masanobu |
le poète Li T'ai-po près de la cascade Katsushika Hokusai |
Goro et Suro Ando Hiroshige |
les courtisanes Yosoi et Yoyoharu Kitagawa Utamaro |
Court et introductif, l'ouvrage est sans prétentions, voire humble, il fait place aux visuels en pleine page sur feuillet de droite, titres et poèmes étant placés sur la page de gauche, comme pour ne pas ombrager l’œuvre. Le texte de fin nous invite à découvrir quelques éléments historiques et techniques de l'ukiyo-e comme représentation du fließende, vergängliche Welt (le monde diffluent et éphémère). Un univers artistique créé vers le début du 16ieme siècle pour rendre l'aspect magique du monde temporel, pour illustrer les contes et légendes populaires, pour rendre témoignage des bonheurs de la vie de tous les jours ou pour saisir des instants des paysages coutumiers...
Varié dans ses illustrations, le recueil offre un moment de détente visuelle simple que l'on peut ouvrir et fermer à volonté sans avoir à s'inquiéter de perdre un fil de lecture ou de se lasser du dessin.
Varié dans ses illustrations, le recueil offre un moment de détente visuelle simple que l'on peut ouvrir et fermer à volonté sans avoir à s'inquiéter de perdre un fil de lecture ou de se lasser du dessin.
* les correspondances sont regroupées dans le recueil "Japoneries d'Automne", 1889
** l'anecdote est rapportée dans la préface à l'édition japonaise intégrale de "Tristes Tropiques" et dans la préface du recueil de texte de conférence "l'Autre Face de la Lune" (ISBN 9782021035254)
Illustration
Ed. Gondrom Verlag Bayreuth, Allemagne,1977
ISBN N/A
***
cet article est publié dans le cadre du Défi Lecture: Images du Japon
Cet article me fait penser que la notion d' "authentique" est un construit culturel. Rien ne semble plus "authentique" qu'une estampe japonaise, une Orientale en tchador ou un bon hachis parmentier à la truffe du Périgord... La vérité est que ces 3 marqueurs culturels sont des fruits typiques de la modernité et de sa perpétuelle réinvention du passé. Un passé de pacotille, pittoresque et identifiable à l'heure de la mondialisation soi-disant "uniformisante". La vérité, c'est que les femmes de la Révolution iranienne de 1905 ou celles de 1978 n'avaient rien de sac de patates. La vérité c'est que la pomme de terre fut longtemps considérée comme une racine bonne à donner aux cochons (de même que les truffes) avant que le "bon Monsieur" Parmentier et plus encore l'épidémie de choléra des années 1830 n'imposent ce fécule dans l'assiette des Français. Se pose alors la question de notre compréhension. Avons-nous idée de ce que voulaient exprimer Hokusai, Hiroshige ou Utamaro ? Hors d'une connaissance précise et documentée de leur contexte culturel (le Japon pré-Meiji) ne sommes-nous pas en train de détourner et réinventer leurs oeuvres ? En latin, c'est le même mot qui désigne les fables de la mythologie, les vies de saints et les phylactères qui expliquent le sens des images sacrées : LEGENDA, littéralement "ce qui doit être lu" (...et comment le lire...)
RépondreSupprimerIl y a un certain détournement de l'intention lorsque ces œuvres furent importées. Imaginons qu'il advienne de même aux images d’Épinal... !
RépondreSupprimerJe me suis toujours interrogé sur la distance qui peut exister dans les usages : ainsi, nous avons tendance en Occident à réduire au jeune public (enfants, ados et jeunes adultes) la sphère de l'image animée ou en planches, alors que la situation est très différente au Japon si j'en crois mes lectures. De même que le rapport au futur, au robot, à l'inanimé, à la transhumanité, à l'animal sont autant de points de divergence. Nous utilisons les mêmes mots, mais en vérité ces derniers véhiculent tout un arrière-plan culturel, toute une vision du monde qui nécessiterait des livres entiers pour être bien comprise. Intraduisibilité des mots et des images.
RépondreSupprimerToute distance ouvre un nouveau champs à la fois d'interprétation et de mésinterprétation :)
RépondreSupprimerInversement, sans distance, tout ne serait que conformité et uniformité.