les TV-films au Pays du Matin Calme

Dernièrement, je visionnais des "drama" coréens, TV-film du mercredi soir, aux scenarii(os) truffés de ficelles usées et de protagonistes stéréotypés, mais très sympathiques. Genre comédie-détentes. Un gars et une fille sont souvent au centre de l'histoire, elle aime lui, lui semble trop occupé ou hautain pour s'en rendre compte, mais il finira par laisser fondre son cœur et la jeune fille, en fait gravement malade, meurt à la fin. snif. Mais au milieu on a bien rit.


Dans presque chacun d'eux (donc pour env. 7-8 visionnés) une scène ou des protagonistes liés à l'église catholique apparaissent, de manière assez ostentatoire puisque soit dans des bâtiments ou avec des costumes laissant peu de doutes quant à leur fonction. au bout de 2-3 épisodes, cela devient "suspect". Même si l'échantillon visionné n'est peut-être pas des plus représentatifs, cela contraste avec une image plus "asiatique" que l'on peut avoir du pays, dans la mesure où la religion majoritaire de la région est le bouddhisme (grand et petit Véhicule confondus).


Et en effet, à la vue d'une telle carte, la Corée du sud semble faire exception. Selon Huntington, in Clash of Civilizations, p136-137:

"Si les religions qui dominent traditionnellement ne remplissent pas les besoins affectifs et sociaux des déracinés, d'autres groupes religieux se débrouillent pour cela et, ce faisant, gagnent en nombre et étendent l'influence de la religion dans la vie sociale et politique. Historiquement, la Corée du Sud était un pays surtout bouddhiste, où les chrétiens représentaient en 1950 que 1 à 3% de la population. Avec le développement économique rapide du pays, l'urbanisation massive et la division croissante du travail, le bouddhisme a paru défaillant. [...]" Le christianisme et son message de salut personnel et de destin individuel ont offert un réconfort à une époque de confusion et de changement" dans les années 80, les chrétiens surtout presbytériens et catholiques représentaient au moins 30% de la population de la Corée du sud."

Selon ce que l'on trouve sur Internet, aujourd'hui, la part des bouddhistes serait de env. 50%, celle des chrétiens 35%; en majorité des protestants, dont la part relative se réduit depuis les années 70 face à celle des catholiques. Peu surprenant donc quelque part d'en voir une représentation sur ce médium; sa récurrence et son utilisation semblaient curieusement inappropriés, quelque part entre le cheveux dans la soupe et la propagande.

Sur le développement du christianisme en Corée, on peut se référer en premier lieu (par simplicité) à notre ami Wikipedia d'où l'on retiendra les facteurs suivants :
  • une stratégie de diffusion par les missions et le laïcat avec une forte présence dans le système éducatif.

  • un effet levier sur les traditions et légendes pré-existantes.

  • un changement de société accompagnant de la modernisation du pays.

Concernant les TV-films, une short-list que j'ai pu visionner.
  • S-Diary : "why accept love ? if it's such a burden, give it back !". Une comédie romantique dans laquelle Jini, l'héroine du film, décide après plusieurs romances infructueuses d'aller retrouver ses amants et de les faire s'exprimer sur leurs relations, puis pousse le bouchon jusqu'à prendre revanche sur eux. le téléfilm joue essentiellement sur le contraste enchantement / désenchantement qui émaille les épisodes amoureux de la jeune fille exposant crûment certaines déconvenues souvent très proche de la réalité, jusqu'à un final proche d'un certain cynisme presque auto-dérisoire. la morale du filme exprimée dans les réflexion de Jini seront laissées à l'appréciation de chacun.




  • My Sassy Girl : la fiche descriptive de wikipédia et le trailer ci-dessous en montrent suffisamment, cette comédie démarre sur les chapeaux de roues avec une rencontre peu orthodoxe sur le quai du métro suivit directement d'un accident socialement pénible enchaîné par un quiproquo monstrueux qui scellera pour la suite du film l'insécable union drôlesque de nos deux héros.

Commentaires

  1. C'est sympa ici ;-)

    Huntington a dit beaucoup d'âneries par le passé, mais là, j'aurais tendance à le suivre ...
    À la nuance près que le 'christianisme' n'est pas un fait de culture en soi : on peut parler d'esthétique catholique, d'austérité calvinienne, de mystique orthodoxe... mais pas de "christianité" ...
    La nuance vaut pour toutes les religions. Ainsi, les chiites duodécimains, qui sont en quelque sorte les "catholiques" de l'Islam, connaissent des formes de religiosité qui ne choqueraient pas des Maltais ou des Andalous: processions, flagellants, dolorisme, rôle des intercesseurs, mysticisme quiétiste, iconodoulie (en contraste avec l'iconoclasme sunnite), clergé omniprésent et fortement contesté ...

    De ce point de vue, le "christianisme coréen" semble répondre à la destructuration des puissants liens familiaux et claniques qui dominent dans la plupart des sociétés traditionnelles d'Asie.

    La vérité, c'est qu'il n'y a pas de "clash" des civilisations, car chacune d'entre elles est parcourue par le même clivage individualiste/holiste.

    D'un côté un monde qui ne jure que par la "liberté" de l'individu, émancipé de toute tutelle familiale, tribale ou autre. Une sorte d'atome qui se rêve comme une île autonome. Les parents attendent avec impatience le départ des enfants et ceux-ci devenus adultes s'empressent de mettre leurs parents à l'hospice. L'individu-roi consomme. Dans l'anonymat de la ville, il est l'objet de toutes les attentions du marché. Il doit consommer. Il consomme du sexe. Il consomme son mariage (durée moyenne: 3 ans). Il consomme son corps. Il veut rester jeune et continuer indéfiniment à consommer. À 50 ans il se cherche une Lolita/ elle se prend pour un "cougar". À 70 ans Viagra et voyages. On consomme, on se fout des autres générations. De toute façon avec une natalité en berne il n'y aura bientôt plus personne ...

    De l'autre côté des sociétés autoritaires, phallocratiques, claniques où le collectif prime sur l'individu. "L'honneur" est collectif. Société de surveillance. Orwell est conjugué au présent. Le devoir est tout. Le mariage n'existe que pour l'éducation des enfants, les enfants se doivent d'honorer leurs parents, chaque génération se vit comme un maillon d'une chaîne éternelle. Chaque atome de ces macro-molécules est encadré par une multitude d'institutions (confessionnelles, tribales, professionnelles, politiques ...). Chacun se repose sur les autres, confiant que cette douce aliénation n'est pas si terrible.

    Voilà où se trouve la Corée à mes yeux. Loin des cartes simplistes de certains géopolitologues et traversée de paradoxes qui rendent incertaine toute tentative de caractérisation univoque...

    PS: tu auras compris qu'à mes yeux aucun système n'est satisfaisant, les "libertés occidentales" et les "solidarités orientales" se neutralisant un peu ...

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  2. je pense que le "christianisme", ou plutôt sa montée au sein de la société, ne traduit pas nécessairement un changement de "culture", mais un ajustement fonctionnel de la société. à problème nouveaux, solutions adaptées - et nouvelles si disponibles. on peut voir qu'ici, ce développement se fait essentiellement sous l'impulsion de 3 facteurs : une prédisposition culturelle, un changement sociétal, et un effet d'aubaine. Une autre religion présente au même moment et répondant aux 2 premiers critères aurait pu faire l'affaire. (la missionaria protectiva est une réalité ^^ ) - et bien sûr ce n'est qu'une solution pour un type de lecture.

    et la Corée se trouve à la même distance que tout autre région du globe : toute analyse se borne à sa propre lecture. par besoin, les modèles sont "simplificateurs", dans le sens où il faut bien faire une synthèse afin de pour comprendre et expliquer. ensuite, rien n'interdit d'avoir plusieurs paradigmes juxtaposés et de débattre :)

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  3. Bien sûr tu as raison ;-)
    Je n'aurais pas la bêtise de prétendre y comprendre quelque chose alors qu'il y faudrait une vie !
    C'est ce que je reproche un peu aux concepteurs de grands systèmes d'explication, que ce soit en économie, en géopolitique, en culture ou tout ce qu'on voudra ...
    Toi qui t'y connais un peu en culture japonaise, je te conseille de feuilleter les livres du géographe Augustin Berque. Il a passé sa vie entière à réfléchir sur le Japon (comme son père Jacques avait consacré sa vie aux Arabes) et pourtant, il l'avoue lui-même, il se demande encore parfois ce que vaut tout son savoir ... :D

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