De l'Origine des Espèces, par Charles Darwin

  "Tous ces effets découlent d'une même cause: la lutte pour l'existence. Grâce à cette lutte, les variations tendent à préserver les individus d'une espèce et se transmettent ordinairement à leur descendance, pourvu qu'elles soient utiles à ces individus."
   Une lecture contre les créationnismes ou le dessein intelligent.

   C'est en plein milieu du 19ième siècle que Charles Darwin publie l'une de ses œuvres phares dont il en tire 6 révisions entre 1859 et 1872 afin d'y inclure précisions et réponses à ses contradicteurs. La rédaction du texte On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life va être stimulée par son voyage autour du monde dans les années 1830 à bord du H.M.S. Beagle dont il inclura nombre d'observations comme base d'argumentation pour supporter sa thèse. Car il s'agit bien d'un argumentaire, d'une longue dissertation, dont l'objet sera de discuter du principe de l'évolution des espèces grâce au mécanisme de la sélection naturelle.
"Aussi, comme il naît plus d'individus qu'il n'en peut vivre, il doit y avoir, dans chaque cas, lutte pour l'existence, soit avec un autre individu de la même espèce, soit avec des individus d'espèces différentes, soit avec les conditions physiques de la vie. C'est la doctrine de Malthus appliquée avec une intensité beaucoup plus considérable à tout le règne animal et à tout le règne végétal, car il n'y a là ni production artificielle d'alimentation, ni restriction apportée au mariage par la prudence. Bien que quelques espèces se multiplient aujourd'hui plus ou moins rapidement, il ne peut en être de même pour toutes, car le monde ne pourrait plus les contenir."

   Il existe aujourd'hui bien d'autres ouvrages qui expliquent, actualisent et corrigent ses intuitions et ses déductions, néanmoins la lecture du texte permet un certain voyage dans le temps, un retour appréciable au texte source qui cristallisa et qui exposa sous une forme tout à fait abordable à tout public une vision radicalement autre de ce que la croyance populaire ou le dogme tenait pour vrai et immuable. Certes Darwin n'est pas seul à penser ce qu'il écrit car bien d'autres scientifiques comme Spencer, Saint-Hilaire ou Lamarck émettait des idées qui abondaient dans le sens que les espèces n'étaient pas fixes, et à cette époque les hommes vivent en des temps intéressants dans lesquels les sciences, les techniques, les industries sont acteurs d'un changement qui cherche à se définir. Dans l'Angleterre Victorienne, l'Église anglicane reste un pilier du conservatisme, et les controverses et disputes contribueront au renforcement de la théorie et de son rayonnement. La notoriété dont Darwin bénéficie ne tient pas dans ce qu'il a pu écrire soit complétement correct ou absolument juste, mais d'avoir pu mettre le doigt sur des mécanismes peut-être plus subtils à démontrer et qui tranchait par rapport à son époque, mais explicable par un raisonnement fondé. D'ailleurs il prend grand soin dans son propos à montrer là où il s'avance en connaissance de cause et là où reconnait de pas pouvoir s'avancer.

   S'il n'existait qu'un point fort dans cet œuvre, il s'agirait justement d'être rédigé de façon à être lu par tous: plus dissertation que que schéma, plus littéraire que mathématiques, et si quelques termes ici et là font appels à des connaissances de naturaliste, il existe un lexique en fin d'ouvrage, c'est surtout la clarté du propos et de la réflexion qui prévaut.

   Le texte date nécessairement. Darwin bute sur quelques questions de biologie en rapport avec l'hérédité et l'hybridation car l'outil de la génétique en est aussi à ses début, ou bien il peut concevoir l'évolution comme un processus qui ne tend que vers un idéal dont l'homme est le reflet: quelque part, il subsiste une légère trace d’intentionnalité, de téléologie, qui doit être quelque part lié à l'air du temps - Darwin demeure bon chrétien malgré tout. Toutefois, il pointe de manière pertinente les difficultés qui existent encore dans la thèse: bien que mal comprise dans sa nature ou cause, le principe fondamental de variabilité dans la descendance est mis en exergue pour expliquer la capacité d'évolution des espèces en comprenant que la nature ne retient et par là ne favorise que ce qui marche le mieux dans un écosystème local. La nature agit comme un tamis, les espèces disparues le sont au profit de nouvelles, et les espèces intermédiaires changent dans le temps, à un rythme qui ne peut être dicté que par celui de la pression concurrentielle locale et de la capacité de reproduction. Réduit à sa plus simple expression, l'apport de Darwin consiste à énonce 3 principes qui sont celui de variation, d'adaptation et d'hérédité, qui ensemble font que les éléments qui sont dotés des variations les plus adaptées à leur environnement ont une meilleure place pour assurer leur descendance et de maintenir l'apparition de ces variations par hérédité.

"Comme la sélection naturelle n'agit qu'en accumulant des variations légères, successives et favorables, elle ne peut pas produire des modifications considérables ou subites; elle ne peut agir qu'à pas lents et courts. Cette théorie rend facile à comprendre l'axiome: Natura non facit saltum, dont chaque nouvelle conquête de la science démontre chaque jour de plus en plus la vérité. Nous voyons encore comment, dans toute la nature, le même but général est atteint par une variété presque infinie de moyens; car toute particularité, une fois acquise, est pour longtemps héréditaire, et des conformations déjà diversifiées de bien des manières différentes ont à s'adapter à un même but général. Nous voyons en un mot, pourquoi la nature est prodigue de variétés, tout en étant avare d'innovations. Or, pourquoi cette loi existerait-elle si chaque espèce avait été indépendamment créée? C'est ce que personne ne saurait expliquer."
   De manière intéressante, Darwin doit déjà répondre à des critiques que l'on continue de lire et d'entendre. Ainsi il explique en quoi l’œil, dont la complexité et dite perfection ne pourrait être le produit du 'hasard', peut s'expliquer par étapes successives, par le processus de sélection naturelle qui favorise l'appareil oculaire le mieux adapté pour l'espèce dans son environnement. L'un des autres points de discussions porte sur l'absence de preuves des espèces dites intermédiaires dans les couches géologiques qui tendrait à affaiblir sinon invalidé l’idée que des espèces aient pu changer; là aussi Darwin qui est assez géologue pour relever le défi, développe son argumentaire en démontrant le caractère imparfait des sources géologiques et fossiles et en opposant le caractère transitoire et donc relativement éphémère des certaines espèces. Tout autant que l'absence de preuve n'est pas la preuve de absence, l'absence de fossile d'espèce moderne dans les sols les plus anciens peut aussi faire porter l'argument comme quoi certaines espèces sont belles est bien apparues après d'autres, et qu'elle devait bien venir de quelque part.

   La théorie de l'évolution des espèce par le moyen de la sélection naturelle choquait à sa parution, et continue de choquer lorsque l'on regarde certaines espèces ou lorsque tout simplement on considère la diversité du nombre de formes vivantes sur la Terre, mais surtout parce qu'elle déroge à l'idée que la nature est immuable et que l'homme en est le produit final et parfait. Pourtant, elle reste l'explication la plus rationnelle, logique et démontrable des explications, car la démonstration conceptuelle s'appuie sur l'observation et la compréhension du fonctionnement des environnements, et car elle peut tout simplement s'expérimenter ou sinon s'observer: le point de départ de Darwin dans son argumentaire est de rendre compte de la sélection dite inconsciente effectuée depuis des générations d'éleveurs et d'horticulteurs. Quelle rose ou dahlia de jardin peut se trouver à l'état naturel ? Quelle race de chien d'arrêt, de bœuf ou d'étalon n'a pas fait l'objet d'une sélection par leur propriétaire en faisant se reproduire les éléments disposant des attributs les plus intéressants. Le principe de sélection existe, est appliqué par les hommes et il fonctionne; donc pourquoi pas dans la nature, mais sans le caractère intentionnel ? C'est la concurrence des espèces entre-elle pour l'accès au même ressources qui en devient le moteur.

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   Je recommande à tous - littéraires comme scientifiques - la lecture de cet ouvrage pour son caractère historique et naturaliste en insistant sur le caractère abordable  du vocable et de la lecture, ce même si certains passages malgré tout leur exotisme peuvent devenir moins intéressants lorsque les démonstrations prennent quelques longueurs. Toujours est-il que la structure du texte permet une lecture par thèmes et chapitres qui en facilite la progression.
   Les texte sont aussi disponibles librement au format électronique sur la bibliothèque du Project Gutenberg, en versions françaises ou en versions anglaises.

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De l'Origine des Espèces, Charles Darwin
The Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life

Sélection Naturelle



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Commentaires

  1. C'est surtout une lecture en histoire de la biologie désormais car sur le plan scientifique cela reste assez dépassé. Comme tu le dis avec justesse, ça a un "caractère historique et naturaliste".

    Si tu veux je peux te refiler un beau troll créationniste pour agrémenter tes commentaires :)

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  2. 'lecture en histoire de la biologie' - oui c'est une formulation appropriée :)
    mais une lecture fondamentale tout de même, accessible à tous les trolls.

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