L'Île de Man sur Orbite

   « Maintenant que l'espace commence à être un marché mondial, les prix, dont tout le monde se moquait, sont devenus un enjeu »
   Dans le Monde Diplomatique du mois d'Août 2012*, deux articles viennent nous éclairer sur certaines coulisses de l'économie de la conquête spatiale. Ainsi, située en pleine Mer d’Irlande, entre les deux masses du Royaume Uni, se trouve une île indépendante qui a depuis plusieurs décennies converti son économie traditionnelle de pêche et agriculture pour un modèle qui pourrait bien la placer en tête des nations spatiales du futur.

   Le premier article**, de Philippe Rivière, vient soulever les pans d'une petite économie accrochée à ses quelques 570km² de superficie mais dont l'emploi s'est récemment concentré sur des activité à plus haute intensité capitalistique et bien moins terre-à-terre: banques, assurances et industrie aérospatiale. Grâce à de subtiles combinaisons entre avantages fiscaux sur les assurances et réglementation sur les transferts technologiques, l'île de Man qui jusqu'alors ne brillait que pour sa course automobile meurtrière est aujourd’hui une sorte de Bahamas de l'aérospatiale, une zone privilégiée où se concentre divers acteurs privés des constructeurs et lanceurs de modules spatiaux.
   Bien que dépourvue de tout système éducatif supérieur, le gouvernement de l'île semble avoir pu capitaliser sur ses avantages fiscaux et législatifs pour, tout en évitant de se transformer en simple Monaco qui trainerait sur une liste noire de paradis fiscaux, créer un cercle vertueux de compétence, attirant toujours plus les opérateurs et agences de cette industrie. Tout un paradoxe que l'auteur s’emploie à mettre en relief avec un questionnement ouvert sur la pérennité encore à consolider de cette spécialisation, encore fortement basée davantage sur des opérations dites de papier que sur une infrastructure industrielle in situ.
   « Je pense que ce serait cool d'être né sur Terre et de mourir sur Mars. De préférence pas au point d'impact »
illustration: Philippe Rekacewicz
   Le deuxième article***, également de Philippe Rivière, se construit sur le constat fait dans le précédent article que le moteur de la conquête spatiale bascule progressivement mais surement du secteur public vers le secteur privé. Exit la guerre froide et les objectifs de prestiges, il faut de l’exploitable, du rentable... L'auteur nous brosse le panorama des options économiques qui sont en cours de développement ou envisagés pratiquement qui proposent de faire de la banlieue proche de la Terre une zone économique quasi-portuaire. Car il ne s'agit pas seulement de promener du touriste en gravité zéro autour du globe comme on peut aujourd'hui lui faire faire le tour d'une ville en bus panorama; il s'agit d'une véritable économie de marché qui se dessine avec comme première étape le ravitaillement de l'ISS par un opérateur privé !
   L'auteur met l'accent aussi sur le nœud gordien de ce futur modèle économique: la gestion des coûts de transport dans l'espace. Car si les ressources sont bel et bien identifiées sur la Lune ou sur quelques astéroïdes, encore faut-il pouvoir opérer de manière rentable: stationnement orbital et effet tremplin autour du point de Lagrange, les portes de la conquête de l'espace restent à être bâties et rendues économiquement opérationnelles.
 

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** L’île de Man sur orbite; voir extrait sur le site du journal
*** À l’assaut du huitième continent; voir extrait sur le site du journal

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