le Gambit des Étoiles

   Le zolt était une porte qui s'entrebâillait sur des mondes incompréhensibles. Et l'échiquier était une sorte de sauf-conduit, de plan qui vous permettait de vous orienter et d'entrevoir certains mondes compréhensibles et bien réels
   Le zolt et et l'échiquier.
   Ils se complétaient comme se complètent une serrure et une clef pourvu qu'il y ait une main d'homme qui glisse l'une dans l’autre. Et pousse la porte ouverte.
   Premier roman publié* de Gérard Klein qui en avait écrit les lignes en 1955 déjà (à 18 ans donc), ce space-opera offre une lecture certes parfois inégale dans son style et son déroulement, mais intéressante à plusieurs titres:  mise en perspective des transports interstellaires et du facteur temps, l'utilisation de drogues comme moyen d'extension du champs du possible, et la problématisation de la place de l'humanité dans l'univers.

Illustration: Jean-Michel Nicollet
Ed. NéO, 3ème trimestre 1980
   Comme pour dans le Rêve des Forêts, la ré-édition** que je me procurais contient une auto-préface de Gérard Klein qui a pour avantage de recadrer sensiblement le texte dans son contexte et ses intentions. De 1955 à 1986***, le monde a changé: il n'est pas devenu tout ce que l'on craignait, et il n'est pas devenu non plus tout ce que l'on espérait. Écrit à une époque à laquelle la conquête de l’espace n'avait pas débuté et à la quelle l'usage des drogues n'était pas celui qu'il est désormais, l'auteur veut nous dire que l'association du zolt (une drogue) et d'un échiquier est une forme de métaphore de la SF dans laquelle une dose d'imagination (le zolt) permet de faire extrapoler le réel (l'échiquier).
   Définitivement plongé dans un esprit space-opera, ce roman met en scène un héros dans une trame relativement 'classique': dans un futur lointain, Jerg Algan est embarqué malgré lui. Il devra quitter la Terre pour explorer et coloniser des mondes inconnus pour le compte des instances hégémoniques de l'humanité. Très rapidement, il sera pris dans les mailles d'un complot dont il cherchera tout au long de son périple à comprendre qui en tire les fils. Sur les planètes qu'il aborde, des rencontres et des indices le mèneront ou le guideront toujours plus loin vers le centre de la galaxie, à la recherche d'une réponse: y a-t'il d'autres civilisations ? avons nous d'autres maîtres ?

«En ce sens, l'avenir n'est plus ce qu'il était» - GK
    À sa lecture, le roman peut faire penser à d'autres écrivains de SF. Et si l'auteur reconnait s'inspirer de A.Huxley pour l'utilisation de la drogue comme émulateur d'autres réalité, certaines thématiques débordent de ce simple cadre: par exemple, l'idée d'un contrôle invisible de la galaxie par un groupe secret et la course poursuite à travers la galaxie nous rappelle le cycle de Fondation par I.Asimov, ailleurs c'est un dialogue rhétorique entre le héros et une machine ou un voyage fantastique au travers de l'univers qui nous ramène à C.Clarke et 2001 l’Odyssée de l'Espace.
   Les idées ne manquent pas, mais les personnages et les dialogues parfois souffrent d'un certain vide. Ainsi, la haine qui semble motiver le héros est certes utilisée mais il n'en ressort rien au texte. Les personnages se rencontrent mais ne se connaissent pas, ou ne se font pas connaître au lecteur. Les dialogues dans certains cas donnent les signes d'une véritables authenticités dans leur termes et formulations, mais manquent d'un certains naturels dans leur flot et conduite. Pourtant, il y avait opportunité à le faire, voire nécessité afin de creuser et renforcer l'aspect mystérieux de cette aventure.
 
   Enfin, le titre du roman prendra sa signification vers la fin du roman, lorsque l'énigme est résolue, lorsque la place de l'homme dans l'univers est comprise, lorsque la nature des Maîtres est dévoilée.
   Les cases du jeu d'échecs représentent un certain nombre de coordonnées nécessaires. Huit cases représentent par exemple huit dimensions. La solution d'un problème d'échecs correspond à la solution d'un problème d'itinéraire dans l'espace, et, dès que l’itinéraire est déterminé, le corps humain, ce navire stellaire le plus parfait qui soit, plonge entre les mondes selon des trajectoires presque nulles à une vitesse immense. Il n'y a rien là que nous ne puissions comprendre. les Maîtres utilisèrent ces même notions que nous découvrîmes longtemps après et selon lesquelles fonctionnent nos navires. Mais ils les employèrent presque à la perfection.

* HACHETTE / GALLIMARD coll. Le Rayon fantastique n°62, 4ème trimestre 1958.
**  LIVRE DE POCHE, coll. SF (3ème série, 1998-2009) n° 7279, novembre 2005 - Illustration de MANCHU
*** la préface de 2005 est la même que celle de 1986... quelle économie...


le Gambit des Étoiles, Gérard Klein

Space-Opera
Ed. Livre de Poche, France, 2005 (1ère édition 1958)
ISBN 9782253115175



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